Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Madame Noire
28 avril 2009

Le chêne et le roseau

Le chêne un jour dit au roseau:
        "Vous avez bien sujet d'accuser la nature ;
           Un roitelet pour vous est un pesant fardeau;
           Le moindre vent qui d'aventure
           Fait rider la face de l'eau,
           Vous oblige à baisser la tête,
        Cependant que mon front, au Caucase pareil,
        Non content d'arrêter les rayons du soleil,
           Brave l'effort de la tempête.
        Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr,
        Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
           Dont je couvre le voisinage,
           Vous n'auriez pas tant à souffrir :
           Je vous défendrais de l'orage ;
          Mais vous naissez le plus souvent
        Sur les humides bords des royaumes du vent.
        La nature envers vous me semble bien injuste.
        - Votre compassion, lui répondit l'arbuste,
        Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci :
           Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ;
        Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
           Contre leurs coups épouvantables
           Résisté sans courber le dos ;
        Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots,
        Du bout de l'horizon accourt avec furie
           Le plus terrible des enfants
        Que le Nord eût portés jusque là dans ses flancs.
           L'arbre tient bon; le roseau plie.
           Le vent redouble ses efforts,
           Et fait si bien qu'il déracine
        Celui de qui la tête au ciel était voisine,
        Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.

LE CHÊNE ET LE ROSEAU

Jean de La Fontaine, Fables, I, 22.

   
Publicité
Commentaires
Publicité